Archives mensuelles : avril 2020

Pâques à la maison, le pape au balcon

La Provence : parution dimanche de Pâques 2020.
Les leçons d’un carême confiné.

C’est assurément inédit dans l’histoire de la chrétienté. Des églises partout désertées et les fidèles relégués à une oppressante intimité. A l’unisson d’une humanité sous cloche, Pâques, la plus grande fête chrétienne reste aussi confinée. Un peu comme au temps du christianisme primitif ou dans ces contrées qui interdisent aux « nazaréens » tout droit de cité. Mais à l’échelle d’une planète, cela n’était jamais arrivé. Image saisissante que celle de ce pape chancelant, seul face à une place Saint-Pierre bourdonnant de silence. En cette soirée de carême, il porte au bout de ses bras fatigués le Christ offert en ostensoir et le poids d’un monde souffrant. Seul encore, en ce dimanche pascal, pour la traditionnelle bénédiction sur la ville et le monde. François au balcon et Pâques au tison, en mode confiné !
Ces journées d’enfermement seront peut-être plus nombreuses que la quarantaine de jours préparant les chrétiens à Pâques. Mais, comme le dit Edgar Morin, le très laïque philosophe que j’ai eu la joie de fréquenter, « le confinement pourrait être une opportunité de détoxification, qui nous permettrait de sélectionner l’important et rejeter le superflu, l’illusoire ». C’est exactement le sens du carême chrétien, temps de dénuement et de conversion qui repose sur le triptyque prière, partage, jeûne. C’est le manque qui donne du prix aux choses et permet un retour à l’essentiel. Comme le jeûne eucharistique qui prive le fidèle de communion dominicale. Les crises sont des miroirs grossissant de nos penchants. Elles peuvent être catalyseurs d’héroïsme et de sainteté, comme de bassesse et de lâchetés. Les exemples ne manquent pas dans l’actualité. Chez les chrétiens, la tentation existe aussi de fuir dans un fétichisme anesthésiant ou un consumérisme religieux effréné, via les écrans. Tentation dénoncée par certains évêques catholiques et pasteurs protestants.
Rester chez soi ne signifie pas chacun pour soi, pour autant. Allons nous sortir différents de cette traumatisante expérience ? Dans sa méditation du 27 mars, le pape François invite tous les hommes à « saisir ce temps d’épreuve comme un temps de choix « . En écho, Edgar Morin, appelant à un sursaut solidaire, souligne « le caractère anthropologique d’une crise qui nous fait profondément ressentir la communauté de destin de l’humanité… » Sacré défi existentiel à relever ! Et un message pour Pâques 2020, en somme.
Jean-Claude Escaffit