Archives mensuelles : décembre 2024

Pourquoi le pape à Ajaccio plutôt qu’à Paris

Les choix des voyages de François sont révélateurs de son style de gouvernance de l’Eglise .

 Un pape en Corse, c’est inédit dans l’histoire de l’île. Et… inattendu. Surtout une semaine après l’événement planétaire de la cathédrale Notre-Dame renaissant de ses cendres, qu’il a semblé bouder. François clôture ce dimanche à Ajaccio un colloque sur la piété populaire et y célèbrera une messe. La seule en France, après le stade-vélodrome de Marseille, en septembre 2023 : « A jamais les premiers ! ».

Paris ne vaut elle pas une messe ?

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Le pape donnerait donc tort à ce protestant de Navarre, Henri IV, qui a embrassé la cause papiste pour accéder au trône de France. Un camouflet dans le Landerneau catho, ainsi qu’à l’Elysée. Les évêques de France tenteront bien d’expliquer que François ne voulait pas voler la vedette à Notre-Dame. Il n’empêche… Paris ne vaut plus une messe. Sans oublier le souvenir cuisant d’un Pie VII otage, contraint d’y bénir le couronnement d’un Corse, auto-proclamé empereur des Français !

Plus sérieusement, l’évêque de Rome bouderait-il la capitale de la France et cette « fille ainée de l’Eglise », déclassée et ingrate, mais qui l’attend depuis si longtemps ? Car les seules fois où le souverain pontife a mis les pieds sur notre sol (au Parlement européen de Strasbourg en 2014 et à Marseille en 2023), il a averti : « Je ne viens pas en France ». Justification maladroite, mais mal comprise. Car elle signifiait qu’il ne faisait pas de visite d’Etat. Etrangement, le guide spirituel d’un milliard et demi de catholiques est aussi le chef de l’état le plus minuscule du monde. Plus petit qu’un arrondissement marseillais ! C’est donc ce chef d’Etat, ayant droit aux mêmes égards qu’un président des Etats-Unis, qui fuit les honneurs. Comme les comportements de cour qu’il dénonce à Rome ou ailleurs. C’est pour cette raison aussi que François n’a pas fait le cadeau de sa présence à un Macron en quête de reconnaissance. Le président français, avec qui il entretient des relations aussi suspicieuses que chaleureuses, s’est consolé le 7 décembre, avec l’invitation à Paris d’une cinquantaine de chefs d’Etat.
Un choix pas si étonnant...
Pas si étonnant pourtant le choix incompris d’Ajaccio au détriment de Paris. Car les voyages du pape François sont révélateurs de son style de gouvernance de l’Eglise. Plus décentralisée, celle-ci s’est manifestée par un synode à Rome, à l’automne dernier. Des choix qui s’expriment aussi par son souci de rejoindre les personnes et les peuples à la périphérie de notre monde et de notre société. « Je poursuis mes voyages dans des pays où l’Eglise n’est pas très importante ou en difficulté », rappelle-t-il souvent. Pas vraiment la situation corse, qui compte près de 80 % de fidèles ancrés dans des traditions ancestrales. Cette Ile de Méditerranée rejoint cependant la préoccupation papale envers la foi populaire, thème de son encyclique Dilexit nos, d’octobre dernier. Ainsi que sa compassion pour cette « mer-cimetière » de migrants. Les choix du pape dans ses promotions cardinalices ne répondent pas non plus aux critères classiques de l’Eglise. Ainsi, avec la création de 21 cardinaux, le 7 décembre, a-t-il préféré des prélats d’Asie, d’Iran et d’Algérie (Mgr Jean-Paul Vesco), pasteurs de quelques centaines de fidèles, à des archevêques d’Occident chrétien ou à des sièges historiques comme Paris et Lyon, toujours privés d’électeurs pour un prochain conclave. Une question de rééquilibrage vers le Sud et de feeling avec des personnalités qui lui sont proches… Et qu’il aime visiter. Comme le cardinal Aveline à Marseille, promu en 2022 et le jeune évêque d’Ajaccio, François Bustillo, en 2023. Quant à ce nouveau cardinal de 56 ans qui arpente son diocèse insulaire avec sa bure de franciscain et son style non conformiste, il a su être convaincant au Vatican !