« La France sans le christianisme n’est plus la France… » A l’occasion de la publication récente de son livre La Messe n’est pas dite (Fayard), Éric Zemmour qui confesse ne pas être chrétien, ambitionne pourtant d’incarner le catholicisme identitaire français. Face à « l’islamisation qui menace l’âme de l’Europe », le patron de Reconquête en appelle à un « sursaut judéo-chrétien ». Le propos n’est guère neuf. Charles Maurras, figure souverainiste anti-républicaine de l’entre-deux-guerres, déclarait déjà : « un vrai Français ne peut être que catholique ». Aujourd’hui, cette défense identitaire prend une forme plus politique, plus populiste et s’étend bien au-delà de nos frontières. Zemmour par exemple se réfère surtout à la culture MAGA (Make America Great Again) des Etats-Unis.
Dans une époque déboussolée, en quête de repères, on assiste à un réveil des radicalités religieuses et à une instrumentalisation des différentes confessions. Partout dans le monde, des pouvoirs et acteurs politiques se servent des rancœurs et humiliations des populations, en s’appuyant sur des marqueurs identitaires que sont les religions.
Hamas, Netanyahou, Poutine, Trump, Modi…
On pense d’emblée à l’inquiétante montée du fondamentalisme musulman qui ressuscite des « luttes de libération » sous la bannière d’un soi-disant djihad. Des groupes terroristes comme le Hamas ont prospéré sur la désespérance d’un territoire qu’ils ont pris cyniquement en otage. Ce sont aussi ces pays islamistes qui confondent encore pouvoirs politique et religieux.
Mais évolution parallèle, c’est le rêve du Grand Israël des extrémistes juifs qui, dans le gouvernement Netanyahou, encouragent l’anéantissement des Palestiniens et l’expulsion de leur terre, au nom d’une certaine réminiscence biblique. Enfermées dans d’intolérantes certitudes, ces visions politico-religieuses s’érigent en identités meurtrières, selon le fameux titre d’Amin Maalouf.
Le christianisme n’a guère pourtant de leçon à donner en la matière. Sans remonter aux guerres de religions ou aux croisades, citons la Russie d’aujourd’hui avec le patriarche orthodoxe Kirill qui bénit l’invasion de l’Ukraine par Poutine ; c’est le nationalisme chrétien d’Orban en Hongrie, les regains de tensions entre catholiques et protestants dans une Irlande du Nord à peine sortie d’une guerre civile. Sans oublier la vision conquérante des catholiques étatsuniens façon Vance et le nationalisme trumpien des évangéliques des deux Amériques.
« La messe n’est pas dite », Monsieur Zemmour !
La litanie des religions instrumentalisées pourrait se poursuivre en Asie, avec le premier ministre indien Modi qui ferme les yeux sur les pogroms anti musulmans et anti chrétiens de ses partisans, au nom d’une certaine pureté nationale hindoue. Jusqu’à la nomination à la tête du gouvernement japonais, en octobre, de la nationaliste Sanae Takaichi, dont la priorité est de défendre les valeurs traditionnelles d’un pays pétri de shintoïsme et de bouddhisme.
Ces dangereuses identités meurtrières ne sont pas le fait des religions, mais de leur manipulation au service d’idéologies nationalistes. Ainsi la défense en France d’un christianisme de combat qui agite le spectre du grand remplacement est à l’opposé des valeurs évangéliques et de l’expression eucharistique du sacrifice du Christ. En ce sens oui, Monsieur Zemmour, « la messe n’est pas dite » !
Jean-Claude Escaffit
La Provence 2.11.2025
