Tous unis contre la désinformation

C’est un étonnant paradoxe. Formidable moyen d’ouverture et de libération, la révolution numérique offre à la fois un outil d’information sur les moindres recoins de la planète et un instrument d’enfermement et d’asservissement au service d’autocrates cyniques.

La Provence16.02.2025

Dans la course à l’Intelligence artificielle, certaines performances sont terrifiantes. A partir d’une voix et d’un visage remasterisés, on peut faire dire n’importe quoi à un personnage public, pour nuire à sa réputation ou manipuler une élection. Comme récemment dans plusieurs pays d’Europe centrale. Outre les campagnes de désinformation de la Russie et de la Chine sur tous les continents, nous assistons à la banalisation du mensonge, renforcée par la dérégulation des réseaux sociaux. Aux Etats-Unis, Musk sur X et Zuckerberg sur Facebook viennent de se débarrasser des moyens de modération contre les fake news et la haine en ligne. Partout dans le monde, des milliers de fausses images, d’insultes et de menaces circulent sans aucune sanction.

Cette révolution technologique nous fait basculer vers un monde qui modifie notre rapport à la vérité.

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Téléguidés par les algorithmes, les réseaux sociaux (Facebook, X, Tik Tok… ) cultivent des communautés d’internautes addicts qui fréquentent les mêmes sources et se renforcent dans leurs croyances. Or, ces réseaux deviennent un moyen privilégié d’information pour une majorité de Français, particulièrement pour 75% des moins de 30 ans. Selon le Baromètre des Médias 2025 La Croix-Vérian-La Poste, 62 % des sondés « se méfient de ce que disent les médias sur les grands sujets d’actualité » et 70 % font « confiance à leurs proches pour les informer ».
Ce n’est pas seulement notre accès à l’information qui est bouleversé, mais aussi sa production. Si chacun peut être témoin n’importe où d’un événement et le diffuser instantanément avec son smartphone, à quoi servent alors les journalistes ? Avec la fin du monopole des médias professionnels, la presse connait une mutation et une crise de confiance sans précédent. A l’instar des institutions politiques, scientifiques, médicales, économiques, scolaires… Au nom d’un esprit critique que les complotistes ne s’appliquent pas à eux-mêmes, cette défiance systématique envers toute parole institutionnelle peut conduire à d’extravagantes théories. Jusqu’à croire « possible que la Terre n’est pas ronde, comme on nous l’a dit à l’école ». Au 21e siècle en France, 9% de « platistes », 16% de jeunes (sondages Ifop 2018 et 2022) ; un chiffre en constante progression !

La bataille de l’information nous concerne tous. D’abord nous, citoyens. La désinformation commence par le choix de sources douteuses qui nous enferment dans nos certitudes. Elle concerne bien sûr aussi la presse qui doit être plus vigilante dans la vérification de ses infos. C’est son ADN et un défi qui occupe une part grandissante de son activité face à des techniques de tromperies sophistiquées. Les journalistes ne sont pas exempts d’erreurs. Mais, à la différence des réseaux sociaux, ils doivent faire des rectificatifs, rendre des comptes à leur public, voire à la Justice.
La presse écrite a des atouts pour aider à discerner, prendre du recul sur les événements. Mais elle doit restaurer la confiance, en expliquant davantage son travail : une demande croissante pour 44 % des Français (baromètre des Médias 2025). En cultivant aussi ses fondamentaux : le décryptage d’une actualité complexe, des enquêtes d’investigation, des reportages et service de proximité, une interactivité plus développée… L’existence d’une presse florissante, pluraliste conditionne en grande partie l’issue du combat contre la désinformation.
Un sacré défi pour nos démocraties !