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Unité des chrétiens : De nouveaux défis

Ouest-France 25/1/2020 Jean-Claude Escaffit
Rituel immuable, la semaine de prière pour l’unité des chrétiens se déroule chaque année du 18 au 25 janvier. Dans les diocèses de France et du monde entier, catholiques, protestants,  orthodoxes… se rencontrent pour des échanges et prières communes. Et chacun de retourner ensuite à ses occupations.  Une approche encore timide entre vieux « divorcés » qui, après quelques siècles de séparation,  ne savent pas trop comment se remettre en ménage. Pas question encore d’habiter sous le même toit. Ni même de partager le même repas. Si les protestants sont ouverts à l’hospitalité eucharistique, cela coince du côté des catholiques qui ne l’autorisent que de manière exceptionnelle et à certaines conditions. Quant aux orthodoxes, ils ne conçoivent l’intercommunion qu’une fois l’unité doctrinale réalisée.
 Depuis quelques années, les théologiens de l’œcuménisme semblent piétiner et les fidèles – souvent catholiques – campent dans une certaine indifférence à l’égard des petits « frères » des autres Eglises. Quand les uns et les autres ne se réfugient pas dans un entre-soi identitaire… Alors que les catholiques, à l’instar des autres chrétiens, se découvrent  à leur tour minoritaires, l’urgence n’est elle pas à un témoignage commun dans une société française sécularisée ?  

Le risque d’un schisme catholique ?
Mais en 2020, les Eglises chrétiennes ont de nouveaux défis à relever, des lignes de fractures internes à traverser. Les orthodoxes sont écartelés entre les patriarcats de Moscou et Constantinople, en conflit ouvert depuis l’indépendance de l’Eglise d’Ukraine face à un « grand frère russe » aux exigences croissantes. Les protestants historiques, luthéro-réformés, se sentent bousculés par l’expansion d’évangéliques aux méthodes non conformistes. Quant aux catholiques, le spectre d’un schisme plane sur leur Eglise. Face aux critiques virulentes de conservateurs à Rome, aux Etats-Unis ou ailleurs, le pape François n’en a d’ailleurs pas écarté le risque. Enjeu sans doute médiatiquement dramatisé. Mais l’éventualité d’ordonner prêtres des hommes mariés dans certaines régions déshéritées comme l’Amazonie, a relancé les attaques contre un tabou séculaire. C’est la parution, la semaine dernière, d’un livre du cardinal Sarah, cosigné par Benoît XVI, pape émérite voué en principe au silence, qui sonne la charge. Selon eux, le sacerdoce serait « ontologiquement  »  incompatible avec l’état matrimonial. Mais alors, les hommes mariés dans les Eglises catholiques orientales, rattachées à Rome, seraient-ils des prêtres au rabais ? Et ceux de l’Eglise des onze premiers siècles, parmi lesquels des saints ? Sans parler du mariage des pasteurs protestants, des prêtres orthodoxes et des femmes anglicanes… évêques.

Malgré une unité qui semble malmenée, des chrétiens font fi pourtant des querelles d’appareils et des clivages confessionnels. On les retrouve dans un « faire ensemble » œcuménique, de façon naturelle. Combien sont engagés dans des ONG comme la Cimade, l’Acat (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture) ou au coude à coude au service des laissés pour compte de leur cité ? Combien sont si proches dans des groupes de partage et de méditation chrétienne ? Et les 15 000 jeunes de toutes confessions et nationalités qui se sont retrouvés en Pologne, fin décembre dernier, à l’appel de la communauté de Taizé ? Ils seraient étonnés d’apprendre qu’ils sont des acteurs de l’œcuménisme. Des « Monsieur Jourdain » de l’Unité, en somme !