Après « la sidération et la honte » pour l’Eglise catholique, on fait quoi « Messeigneurs » ? Vous êtes les premiers à vouloir tirer les leçons de ces terribles révélations : 216 000 mineurs abusés en France depuis 1950 par 3000 prêtres et religieux (3{6e8d2247ebfffa752cf2ddc5df7bc8ac5aedbce1d2c6f6869a0181304bfba48d} du clergé). Un rapport que vous avez vous mêmes commandé et financé, qui souligne les multiples défaillances de l’institution.
Identifier, réparer, prévenir les crimes et abus de pouvoir, telles sont les grandes lignes des 45 préconisations de la CIASE (Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise), présidée par Jean-Marc Sauvé.
France-Algérie : Je t’aime, moi non plus.
Chronique parue dans La Provence du 5 septembre 2021
Pays invité du salon littéraire du Pays d’Aix, durant ce week-end : l’Algérie. Comme chaque année à Fuveau, un pays étranger est mis à l’honneur. Vous avez dit pays étranger ? Par sa littérature qui porte haut pourtant les couleurs de la francophonie ? Avec des auteurs majeurs comme Yasmina Khadra, Kamel Daoud, Rachid Boudjedra… Pas vraiment étranger non plus, l’Algérie, par la présence sur notre sol des migrants et de leurs enfants (estimés à 4 millions selon certaines sources), souvent de nationalité française. Si certains défraient dramatiquement la chronique ou se sentent laissés pour compte, ils sont cependant légion à afficher de discrètes mais éclatantes réussites, dans la culture, l’économie, la médecine…
Seulement voilà, les relations entre la France et son ancienne colonie restent passionnelles. Une affectivité qui s’exacerbe à l’aune des fascinations et des rancœurs. « Je t’aime, moi non plus », en somme. Cette attraction-répulsion s’explique à la fois par une immuable proximité et par une histoire compliquée.
Rdv au salon des Ecrivains
Fuveau 3-5 septembre 2021
Je serais heureux de vous retrouver sous les platanes de Fuveau pour le 32 ème salon littéraire du Pays d’Aix où je serai présent samedi 4 et dimanche 5 septembre, avec trois de mes livres.
Le pays invité cette année étant l’Algérie, j’aurai le plaisir de dialoguer avec l’historien Benjamin Stora, auteur du rapport pour une réconciliation des mémoires France-Algérie, commandé par le président de la République :
Samedi 15h, podium du café littéraire.
Dédicaces de Un itinéraire indien/ Musulman à Bombay, animateur à Taizé et diacre en Occitanie , avec Moïz Rasiwala (Médiaspaul 2021); Histoire de Taizé (Seuil 2016) ; Sur les traces du père/Questions à l’officier tué en Algérie (Salvator 2014).
Précisions sur l’événement
Edgar Morin, 100 ans : Pour une éthique de l’info.
En hommage aux 100 ans, de ce philosophe-anthropologue toujours actif, voici le texte lumineux d’une intervention devant les lecteurs et la rédaction de La Vie que je lui avais demandée en avril 2008. En quoi le travail du sociologue peut-il rejoindre celui du journaliste ? Merci et tous mes vœux, cher Monsieur Morin !
« L’événement, c’est l’écume de la réalité. La sociologie ne s’y intéresse pas. Les sociologues sont des gens prudents. Ils font leur prévision rétrospectivement, une fois l’événement passé ! En étant l’instigateur d’une sociologie du présent, je fais partie d’une espèce particulière. Je m’appuie sur des évènements pour tenter de déchiffrer des réalités, L’événement apportant une certaine surprise, que ce soit Mai 68, l’attentat du 11 septembre, l’éclatement du communisme, nous montre que nos structures de compréhension n’ont pas bien fonctionné. Il nous oblige à réviser notre façon de penser. Déchiffrer l’événement, c’est fondamental. Et c’est le travail du journaliste, qui est en tête à tête avec lui. Faire des articles à chaud, c’est prendre des risques. J’en sais quelque chose, puisque j’ai été amené à en faire en 1968. Je vois des rapports de cousinage entre ma façon d’être sociologue et le journaliste. Le travail du journaliste qui doit déchiffrer l’essentiel, n’est-il pas plus difficile aujourd’hui, dans cette montée de l’insignifiance et du sensationnalisme ? Quelle éthique de l’information envisager dans ce contexte ?Cela suppose d‘examiner des mots comme Information, connaissance, communication. compréhension.
Guerre d’Algérie : dates et mémoires en partage ?
La Provence 21 mars 2021
19 mars : date du cessez-le-feu dans l’Algérie de 1962. Et pourtant, « impossible commémoration consensuelle », selon Benjamin Stora dans le rapport sur la réconciliation des mémoires qu’il a rendu le 20 janvier au président Macron (1). Pas évident en effet de célébrer l’anniversaire d’une fin de conflit qui est loin d’avoir marqué l’arrêt des violences en Algérie. Mais quelle autre date retenir ? Pas question du 5 juillet 1962, marquant l’indépendance du pays en même temps que les massacres des pieds-noirs d’Oran et l’anniversaire… de la prise d’Alger en 1830.
L’Histoire a parfois d’étranges concordances. Tenez par exemple, les avenues du 8 mai 1945, qui fleurissent dans de nombreuses villes algériennes, ne célèbrent pas la fin de notre Seconde Guerre mondiale. Mais les massacres de Sétif et Guelma, événement traumatique pour tout un peuple, faisant murir chez certains un violent désir d’indépendance.
Le choix d’événements mémoriels, de part et d’autre de la Méditerranée, est révélateur de notre rapport à l’Histoire et… au présent. En France. d’abord. Comment réconcilier les mémoires antagonistes de sept millions de personnes passionnément concernées (anciens appelés, pieds-noirs, harkis, immigrés… ) ? Mémoire éclatée chez nous, mémoire confisquée là-bas. Faute d’avoir pu collaborer avec le directeur des Archives algériennes, arrimé à la seule demande de repentance (une « rente mémorielle » du FLN pour conserver le pouvoir), Stora a cherché d’abord à guérir nos propres mémoires blessées.
Exigeant devoir de vérité
Dans un rapport qui veut sortir des pièges idéologiques et incantations abstraites, cet historien reconnu a pris pour fil conducteur un exigeant devoir de vérité, assorti d’une liste de préconisations. Certaines commencent à être mises en œuvre, comme le partage des archives françaises et l’accès à celles classées secret-défense, ainsi que la vérité sur les disparus, avec la reconnaissance de l’assassinat de l’avocat Boumendjel par le général Aussaresses.
Mais l’historien entend prendre en compte toutes les passions douloureuses. Y compris celles des rapatriés, en rapport avec leurs morts laissés là-bas. Sans oublier le sujet sensible des harkis. « Déminage ardu de la mission Stora », prédisions-nous dans ces colonnes, le 6 septembre dernier. Mission qui avance vers une Histoire partagée, une mémoire un peu moins éclatée. A petits pas. C’est à la fois sa limite, mais aussi sa force. JC Escaffit
(1) Benjamin Stora France-Algérie, Les passions douloureuses, Albin Michel 18,90 €
Un itinéraire indien
En dialogue avec Jean-Claude Escaffit, Un itinéraire indien retrace le parcours étonnant de Moïz Rasiwala, astrophysicien d’origine indienne et musulmane, devenu diacre dans l’Eglise catholique après avoir été chercheur au CNRS, coopérant universitaire en Algérie, permanent à la communauté œcuménique de Taizé durant huit ans, promoteur de projets de développement et enfin expert auprès du Conseil régional de Midi-Pyrénées.
A la fois un questionnement sur l’identité plurielle et un magnifique hymne à la rencontre des cultures et des religions. (Editions Médiaspaul 2021).
Recension Presse
Le Monde.fr 18 mars 2021
Il y a quelques hommes dont on peut dire qu’ils ont eu une « vie-monde ». Moïz Rasiwala est de ceux-là : né en 1937 à Bombay dans une famille d’Indiens musulmans, il a passé sa scolarité chez les jésuites avant d’étudier la physique nucléaire en Allemagne, tout en suivant des cours de philosophie. Il a ensuite travaillé à l’Institut d’astrophysique à Paris, passé plusieurs années en Algérie, puis est retourné en Inde mener une expérience de vie communautaire rurale, avant de s’établir dans la région toulousaine – où il vit toujours.
C’est cette existence d’une richesse inouïe que Moïz Rasiwala déroule dans ce livre d’entretien avec son ami Jean-Claude Escaffit, ancien journaliste avec lequel il a signé en 2008 une Histoire de Taizé (Seuil). Le récit de cette vie passionnante, où l’on croise des souvenirs de l’Inde coloniale comme de Mai-68, est d’abord guidé par une recherche spirituelle, qui conduira ce musulman à la conversion catholique à l’occasion de la rencontre décisive avec le frère Roger, fondateur de la communauté monastique de Taizé, où il deviendra animateur. Il y passe huit ans, et « c’étaient peut-être les meilleures années de nos vies, sans argent ni possessions matérielles, mais pleines de joie, de paix et de rencontres enrichissantes », se souvient Moïz Rasiwala.
A 84 ans, il fait désormais le vœu de partir en pouvant faire sien ce verset de Luc (17, 10) : « Vous de même, quand vous avez fait tout ce qui vous a été ordonné, dites : nous sommes des serviteurs inutiles, nous avons fait ce que nous devions faire. » Y. B
« Un itinéraire indien », par Moïz Rasiwala (entretien avec Jean-Claude Escaffit), (Médiaspaul, 2021, 160 p., 17 €)
https://www.lemonde.fr/…/religions-et-spiritualites-six…
La Vie
Un itinéraire indien
La vie de Moïz Rasiwala, cet enfant pauvre de Bombay devenu astrophysicien et chercheur au CNRS, ce musulman indien devenu permanent à la communauté oecuménique de Taizé, est
palpitante, romanesque. Elle est surtout le fruit d’une quête de sens vibrante, et une ode à l’unité entre les cultures, les religions et les confessions chrétiennes.
En ces temps où le poison de la division fait des ravages, l’on ne peut que conseiller la lecture de ce livre où cet artisan de la rencontre répond en toute simplicité aux questions de Jean-Claude Escaffit, ancien journaliste à l’hebdomadaire La Vie.
Alexia Vidot 21 janvier 2021
La Croix 20 mai 2021
De son enfance à Bombay dans une famille ismaélienne (branche minoritaire du chiisme) à sa retraite comme diacre catholique dans le Gers, c’est peu dire que Moïz Rasiwala a fait du
chemin. Son itinéraire imprévisible, cet astrophysicien de 84 ans le retrace auprès de son ami Jean-Claude Escaffit, ancien journaliste à La Croix. C’est à Taizé qu’ils se sont rencontrés dans les années 1970 : Moïz Rasiwala venait de découvrir cette communauté au sein de laquelle il participa à la préparation du concile des jeunes de 1974. Évoluant entre l’Inde, l’Allemagne, la France et l’Algérie, cet époux d’une protestante et père de cinq enfants offre le témoignage rare d’une conversion moins fulgurante que patiemment accueillie.
Mélinée Le Priol
Ecouter l’itw des deux auteurs sur Dialogue RCF
Séparatisme, une loi qui raterait sa cible
21.2.2021. La Provence @Jean-Claude Escaffit
C’était Mardi gras à l’Assemblée quand les députés ont adopté en première lecture le projet de loi contre le séparatisme. Privé d’un volet social pourtant annoncé, cet arsenal législatif nourrit les inquiétudes et les critiques de toutes les Eglises chrétiennes (catholique, orthodoxe et protestantes), au seuil de leur entrée en carême.
Mais pourquoi, diable, une telle opposition de la plupart des croyants (musulmans et bouddhistes s’y sont joints, pas les juifs) envers des mesures qui veulent lutter contre le radicalisme religieux et les « prêches de haine » ? Elle ne porte pas sur le respect de la laïcité, ni sur la lutte contre l’islamisme, mais sur les contrôles et sanctions infligées à toutes les associations cultuelles.
France-Algérie : déminage ardu de la mission Stora
Ouest-France 07.12.20 : ma chronique avant la publication du rapport Stora, le 20 janvier 2021, sur un difficile apaisement mémoriel.
Sortir de la guerre des mémoires, en vue d’une énième tentative de « réconciliation entre les peuples français et algérien » ? C’est le sens de la mission confiée par le président Macron à Benjamin Stora, en lien avec ses collègues historiens algériens. Un rapport, assorti de préconisations précises, qui doit être rendu public prochainement. Déminage ardu, tant cette mémoire là est explosive et éclatée, de part et d’autre de la Méditerranée. En France, elle est communautarisée en fonction des parcours personnels et des appartenances idéologiques de chacun. En Algérie, la mémoire nationale est confisquée par un pouvoir qui cultive le mythe fondateur d’un peuple uni derrière le FLN.
Namaskar, Père Laborde !
Hommage dans La Vie à celui qui a consacré la sienne aux pauvres de Calcutta et dans le bidonville de Pilkhana (« La Cité de la Joie » ), parrainé par les lecteurs de l’hebdomadaire chrétien.
C’est un message succinct reçu alors que les feux de la fête ne sont pas encore éteints dans nos foyers européens. Le jour de Noël, le Père Laborde a fait le grand passage. Le courriel émane d’Inde, de nos amis Léo et Françoise Jalais, ses fidèles compagnons. Assorti d’un avis de décès de l’archevêché de Calcutta annonçant que ce prêtre français, missionnaire du Prado s’est éteint le 25 décembre 2020 à l’âge de 93 ans. Arrivé en Inde en 1965, sa vie fut consacrée jusqu’au bout aux pauvres des bidonvilles de Calcutta, aux lépreux et jeunes handicapés du Bengale.
Eglise-Etat : des malentendus révélateurs.
6.12.2020. Dans un climat partout tendu, le torchon brûle aussi entre l’Eglise catholique et le gouvernement. Ce sont les conditions de réouverture aux cultes qui ont déclenché l’ire des évêques. La jauge de 30{6e8d2247ebfffa752cf2ddc5df7bc8ac5aedbce1d2c6f6869a0181304bfba48d} de la capacité des églises aurait été négociée entre l’épiscopat et le ministère de l’intérieur.
Mais voilà que ce pourcentage s’est transformé en… 30 places, lors de l’intervention du président. Une jauge s’appliquant indifféremment aux chapelles comme aux cathédrales, dotées parfois de 3000 places. Alors que les temples de la consommation de surfaces analogues – les grands magasins – peuvent accueillir 700 visiteurs ensemble. « Condition absurde et inapplicable « , ont plaidé les prélats devant un Conseil d’Etat qui leur a donné raison au nom de la discrimination.
Y a-t-il eu un malentendu avec le gouvernement, comme le prétendait l’Eglise qui, poussée par son aile radicale, a pourtant saisi la haute juridiction trois fois en six mois ? Malentendu révélateur en tout cas des mutations d’une société sécularisée qui relègue l’expression de la foi dans l’espace privé.