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Point final : Le rêve de Pivot…

Encore la disparition, le 6 mai 2024, d’un Grand que j’ai eu la chance de rencontrer pour un long entretien.
Bernard Pivot gardait, avec l’âge, son sens de l’humour et de l’autodérision. Et de me livrer l’un de ses rêves secret : « J’aimerais en vieillissant être encore plus curieux, plus amusé, plus généreux (…) J’aimerais, moi qui ne crois guère en Dieu, être capable de regarder ma propre fin avec lucidité, humour et détachement. » Hommage, à l’humaniste épicurien qui cultivait la joie de vivre.
Texte complet ci-dessous : cliché (cliquer pour agrandir page imprimée ) + texte dessous.

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Je suis courriériste littéraire. Ce terme, qui a disparu de notre vocabulaire, désigne celui qui court pour obtenir des informations, des interviews, des échos… Ce que j‘ai commencé à faire au Figaro.
Sauf que ce sont plutôt les auteurs qui courent aujourd‘hui chez vous…
Qu‘est—ce qui vous passionne surtout dans ce métier ?

Les hommes. C‘est de mieux connaître un auteur, rencontré à travers son livre, de le décrypter à travers ce filtre plus ou moins opaque, et de le faire connaître au public. Mais je ne perds jamais l‘œuvre de vue. Je cherche toujours à vérifier son adéquation avec la vérité de l‘auteur. Au fond, un livre, un roman, c‘est un jeu de piste qu‘il faut suivre sans se laisser égarer.
Vous avez régné sur l‘édition, surtout avec « Apostrophes», au point qu‘il était presque impossible d‘exister sans passer chez Pivot…
N‘exagérons rien. Disons que l‘émission, en conférant un statut social aux invités, a quelque chose de pervers. Un auteur qui n‘est pas passé à Apostrophes ou à Bouillon de culture n‘est pas reconnu par ses voisins comme un authentique écrivain. C‘est idiot, mais c‘est
comme ça…
Qu‘est-ce que ça vous fait d‘avoir un tel pouvoir sur l‘édition ?
Comment pourrais je vous répondre que cela ne me fait pas plaisir ? Le but de mon émission, c‘est d‘envoyer les gens dans les librairies, non ?
Mais n‘avez—vous pas le sentiment d‘être injuste dans vos sélections ?
Totalement subjectif. Mais honnête. Sans parler des ratages… comme avec
Romain Gary, que je n‘ai pas apprécié à sa juste valeur, ou avec ceux qui n‘ont jamais voulu venir, comme René Char…
Quels sont ceux qui vous ont le plus marqué personnellement ?
Nabokov, l‘un des plus grands écrivains du XX° siècle. Il n‘existe pas d‘autre document télévisé sur lui. C‘était un personnage drôle, insolent. Et puis Soljenitsyne, qui a survécu aux trois fléaux de ce siècle : le cancer, la guerre et le goulag. J‘aimais aussi beaucoup le Bourguignon
Henri Vincenot, pour sa connaissance profonde de la terre et sa gourmandise. J‘envie Woody Allen pour son humour triste et mordant… J‘éprouve beaucoup de tendresse pour les artistes exerçant un certain humour sur eux-mêmes.
Parce que vous leur ressemblez ?
Sans doute. Tout en ayant conscience de ne pas avoir leur qualité. J‘ai une grande admiration pour eux, mais en même temps j‘essaie de ne pas être dupe.
J‘éprouve du plaisir à déceler leurs défauts, leurs faiblesses. A saisir leur vérité jusque dans leurs failles. Je suis constamment dans ce double mouvement : distant, irrespectueux, et tout à la fois spontané, porté vers l‘autre, avec une fraîcheur admirative.
Par exemple, si je suis seul chez
moi, il m‘arrive de lire des passages
superbes à mon chat.
Et qu‘est—ce qu‘il en pense ?
Apparemment, rien pour l‘instant. Mais je ne désespère pas, à force de persévérance, d‘éveil1er son esprit à la beauté.
Que vous ont appris sur l‘homme vos lectures et vos rencontres ?
C‘est une question qui n‘a pas de sens pour moi. Qu‘y a-t-il de commun entre Sollers, Rushdie, Régine Deforges, Soljenitsyne, Mitterrand, Woody Allen, Spielberg ou sœur Emmanuelle… Ce sont des personnages, des univers singuliers sans dénominateur commun.
Combien d‘auteurs avez—vous rencontrés et combien de livres avez-vous lus en vingt-cinq ans de télé ?
Je n‘ai jamais fait le calcul. Ça ne m‘intéresse pas.
Dix heures par jour de lecture : n‘est-ce pas parfois l‘overdose ?
Pour les romans, oui parfois. C‘est la raison pour laquelle j‘ai abandonné Apostrophes.
Avant, je lisais quatorze heures tous les jours, samedi,
dimanche compris. Aujourd‘hui, huit à dix, ce qui me laisse le temps d‘aller au cinéma, au
théâtre, à l‘opéra et de voir des matches de football.
En vingt-cinq ans, la télévision a beaucoup plus changé que vous ?
Certainement ! Si vous me lancez sur ce sujet, on en a pour un moment ! Dans
Remontrance à la ménagère de moins de 50 ans, je m‘en prends à l‘Audimat,
qui pervertit tout, y compris le service public. La culture est reléguée à des
plages horaires de plus en plus tardives ou se réfugie sur des chaînes thématiques. Maintenant, j‘observe avec intérêt les projets du gouvernement de réduction de la publicité et des contraintes commerciales. C‘est tout le visage des chaînes publiques qui pourrait changer.
Bouillon de culture commençant à 22 h 15, au lieu de 22h 4 5 ?
Avez-vous un rêve plus ou moins secret, Bernard Pivot ?
J‘aimerais, en vieillissant, être encore
plus curieux, plus amusé, plus généreux
que je ne l‘ai été. Tout en restant
circonspect, évidemment ! J‘aimerais,
moi qui ne crois guère en Dieu — ou
seulement devant les paysages sublimes
—, être capable de regarder ma propre
fin avec lucidité, humour et détache—
ment.

Jean-Claude Escaffit (La Vie, 29 octobre 1998)

L’information et les médias au défi des réseaux sociaux.

JC Escaffit avec Vincent Potier

Conférence publique, jeudi 16 juin à Aix, de Jean-Claude Escaffit
Comment la révolution numérique a bouleversé les pratiques journalistiques et notre manière de nous informer. Comment contrer les « fake news » et relever les défis de l’information ?15h 30 Temple protestant de la rue Villars à Aix. Dans le cadre des Amis de Dialogue RCF et en soutien de la radio . Voir le texte de la conférence

Rdv au salon des Ecrivains

Fuveau 3-5 septembre 2021

Je serais heureux de vous retrouver sous les platanes de Fuveau  pour le 32 ème  salon littéraire du Pays d’Aix où je serai présent  samedi 4 et dimanche 5 septembre, avec trois de mes livres.
Le pays invité  cette année étant l’Algérie, j’aurai le plaisir de dialoguer avec l’historien Benjamin Stora, auteur du rapport pour une réconciliation des mémoires  France-Algérie, commandé par le président de la République :
Samedi 15h, podium du café littéraire.  
Dédicaces de Un itinéraire indien/ Musulman à Bombay, animateur à Taizé et diacre en Occitanie , avec Moïz Rasiwala (Médiaspaul 2021); Histoire de Taizé (Seuil 2016) ; Sur les traces du père/Questions à l’officier tué en Algérie (Salvator 2014).
Précisions sur l’événement

Edgar Morin, 100 ans : Pour une éthique de l’info.

En hommage aux 100 ans, de ce philosophe-anthropologue toujours actif, voici le texte lumineux d’une intervention devant les lecteurs et la rédaction de La Vie que je lui avais demandée en avril 2008. En quoi le travail du sociologue peut-il rejoindre celui du journaliste ? Merci et tous mes vœux, cher Monsieur Morin !

« L’événement, c’est l’écume de la réalité. La sociologie ne s’y intéresse pas. Les sociologues sont des gens prudents. Ils font leur prévision rétrospectivement, une fois l’événement passé ! En étant l’instigateur d’une sociologie du présent, je fais partie d’une espèce particulière. Je m’appuie sur des évènements pour tenter de déchiffrer des réalités, L’événement apportant une certaine surprise, que ce soit Mai 68, l’attentat du 11 septembre, l’éclatement du communisme, nous montre que nos structures de compréhension n’ont pas bien fonctionné. Il nous oblige à réviser notre façon de penser. Déchiffrer l’événement, c’est fondamental. Et c’est le travail du journaliste, qui est en tête à tête avec lui. Faire des articles à chaud, c’est prendre des risques. J’en sais quelque chose, puisque j’ai été amené à en faire en 1968. Je vois des rapports de cousinage entre ma façon d’être sociologue et le journaliste. Le travail du journaliste qui doit déchiffrer l’essentiel, n’est-il pas plus difficile aujourd’hui, dans cette montée de l’insignifiance et du sensationnalisme ? Quelle éthique de l’information envisager dans ce contexte ?Cela suppose d‘examiner des mots comme Information, connaissance, communication. compréhension.

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La communication n’apporte pas la compréhension. Cum-prehendere en latin signifie saisir ensemble, embrasser sous ses différents aspects. L’appréhension est par essence complexe. C’est appréhender divers aspects d’une réalité ou d’une personnalité. Ne pas réduire par exemple un homme public à un seul aspect de sa personnalité. La première éthique journalistique, c’est de les prendre tous en compte. Cela suppose aussi une compréhension humaine, une certaine empathie. On ne peut pas comprendre d‘une manière glacée. Hegel disait : si j’appelle criminel quelqu’un qui a commis un crime, cela veut dire que je réduis son identité à ce seul acte. Et que j’élimine tous les autres aspects de sa personnalité. L‘éthique de l’information passe par la volonté de compréhension d’autrui. Cette compréhension est en crise un peu partout : dans les rapports humains, entre religions, dans les relations diverses, la famille…Venons en maintenant à Information et connaissance. Le poète anglais, Eliot s’interrogeait : quelle est la connaissance que nous perdons dans l’information ? Et quelle est la sagesse que nous perdons dans la connaissance ? L’erreur c’est de penser que l‘information, c’est de la connaissance. C’est plutôt un fragment de réalité qui nous interroge. Pour qu’elle devienne de la connaissance, l’information doit être intégrée dans un contexte. Elle est pertinente que si elle est contextualisée. Comment se fait-il par exemple que la science économique qui est très avancée dans la précision mathématique amène les économistes à se tromper si souvent dans leurs prédiction ? Tout simplement parce qu’elle n’existe pas en vase clos. L’économie est immergée dans la société, tributaire de nombreux événements. Sans contextualisation une connaissance devient myope, parfois aveugle. En revanche, une connaissance capable de contextualiser est plus pertinente que la science la plus sophistiquée qui ne l’est pas. Ce n‘est pas seulement une tâche d’intelligence, mais aussi éthique. Les deux notions sont liées étroitement. Malheureusement, la prolifération d’informations, au lieu de servir à la connaissance, qui organise les informations, l’obstrue. Il faut cependant sauvegarder l’information, même si elle est gênante, mais il faut l’intégrer dans une connaissance plus large, organisée mais non dogmatique. Le journalisme n’est pas qu’une technique, c’est un art. Contrairement à ce que l’on croit, nous ne sommes pas dans une société de la connaissance, mais des connaissances. La tragédie, c’est l’enseignement séparé des disciplines, alors que la réalité n’obéit pas à la classification des universités. Notre mode de compréhension morcelée nous rend incapable de voir les problèmes fondamentaux et globaux. C’est pourquoi il y a aujourd’hui une crise de la connaissance. Il faut partir aussi de l’idée exprimée par le philosophe Ortega …. Et cassete nous ne savons pas ce qui se passe, mais c’est cela justement qui se passe. Souvent un événement capital est complètement ignoré, parce qu’il se situe dans les profondeurs, là où les antennes de la presse n’arrivent pas. Quand on a découvert dans les années 30, la structure de l’atome, ce fut un non événement, hormis pour les physiciens. Cela deviendra quelques années plus tard, un événement capital dans l’Histoire, avec la confection de la première bombe atomique et Hiroshima. Le journaliste devrait être aussi un peu plus explorateur pour aller voir ce qui se passe dans les sous sols. En dernier lieu, l’information dépend de l’accessibilité aux sources. L’art d’un pays totalitaire c’est d’empêcher l’information de sortir. On l’a vu et on le voit encore en Chine. Il est vital d’avoir une pluralité d’information. Sans pluralité de sources, il n’y a pas de liberté de la presse. Combien de témoignages sur l’URSS ou la Chine sont restés confidentiels. Peu après la révolution des œillets au Portugal, la volonté d’installer un pouvoir fort, s’est accompagné de la tentative de suspension d’un journal indépendant : Republica. En France, un éditorialiste du Monde a écrit : le plus important, c’est de donner à manger au peuple, plutôt que de lui donner de l’information. Je me suis opposé à lui dans le Nouvel Observateur en ces termes : ne pas donner d’information, ce n’est pas lui donner non plus à manger. Sacrifier l’information, c’est sacrifier aussi les besoins vitaux d’une société. Aujourd’hui, l’inflation de nouvelles conduit à une intoxication informationnelle. Cela amène au divertissement au sensationnalisme et à la peopolisation (…) L’autorégulation fait partie de l’éthique de la presse. »
@ Jean-Claude Escaffit/La Vie

Séparatisme, une loi qui raterait sa cible

21.2.2021. La Provence @Jean-Claude Escaffit
C’était Mardi gras à l’Assemblée quand les députés ont adopté en première lecture le  projet de loi contre le séparatisme. Privé d’un volet social pourtant annoncé, cet arsenal législatif  nourrit les inquiétudes et les critiques de toutes les Eglises chrétiennes (catholique, orthodoxe et protestantes), au seuil de leur entrée en carême.
Mais pourquoi, diable, une telle opposition de la plupart des croyants (musulmans et bouddhistes s’y sont joints, pas les juifs) envers des mesures  qui veulent lutter contre le radicalisme religieux et les « prêches de haine » ? Elle ne porte pas sur le respect de la laïcité,  ni sur la lutte contre l’islamisme, mais sur les contrôles et sanctions infligées à toutes les associations cultuelles.

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Le diable, c’est bien connu, se cache dans les détails. Ainsi, dans un catalogue de mesures qui ne définit pas clairement le séparatisme, on trouve pêle-mêle l’obligation faite aux associations loi 1905 d’obtenir tous les cinq ans une validation du préfet, de rendre des comptes administratifs et financiers, de signer un contrat d’engagement républicain… Bénéficiaires de la loi de 1905 contre l’emprise de l’Eglise catholique sur la société d’alors, les protestants sont aujourd’hui les plus touchés et critiques sur le projet.

« Culture de suspicion » à l’égard des religions
Outre l’alourdissement bureaucratique infligé à des militants associatifs souvent bénévoles, c’est le  contrôle de l’Etat sur la croyance et son expression qui pose question. Elle permet  une interprétation arbitraire de ce qui est jugé inconvenable dans les prises de position des Eglises et de leurs associations. Le Secours catholique et la Cimade, en pointe sur la défense des droits des plus faibles, pourraient-ils par exemple voir habilitation et subventions supprimées, du fait d’un discours trop critique à l’égard de l’Etat ?
Dicté par la peur, ce projet de loi tend à renvoyer une image négative des religions.  » Culture de  suspicion « , s’indignent les Eglises. Celles-ci assurent pourtant, dans leur immense majorité, un irremplaçable lien social. La laïcité à la française, cadre institutionnel qui protège depuis 1905 toutes les convictions dans le respect de l’ordre public, glisse de plus en plus vers une religion d’Etat aux accents athées et aux tendances intrusives. En prétendant lutter ainsi contre le séparatisme religieux, elle risque de le renforcer et d’élargir à d’autres communautés le sentiment d’exclusion. Cette loi de circonstance raterait alors sa cible.

Namaskar, Père Laborde !

Hommage dans La Vie à celui qui a consacré la sienne aux pauvres de Calcutta et dans le bidonville de Pilkhana (« La Cité de la Joie » ), parrainé par les lecteurs de l’hebdomadaire chrétien.

C’est un message succinct reçu alors que les feux de la fête ne sont pas encore éteints dans nos foyers européens. Le jour de Noël, le Père Laborde a fait le grand passage. Le courriel émane d’Inde, de nos amis Léo et Françoise Jalais, ses fidèles compagnons. Assorti d’un avis de décès de l’archevêché de Calcutta annonçant que ce prêtre français, missionnaire du Prado s’est éteint le 25 décembre 2020 à l’âge de 93 ans. Arrivé en Inde en 1965, sa vie fut consacrée jusqu’au bout aux pauvres des bidonvilles de Calcutta, aux lépreux et jeunes handicapés du Bengale.

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La Vie avait consacré plusieurs articles à François Laborde, dont le dernier en novembre 2016. « En 51 ans de mission, j’ai vu des choses inhumaines, confiait-il à Laurence Faure. Dans un bidonville, il y a tout de l’Enfer. Mais j’y ai aussi contemplé le Ciel. Car chaque famille, qu’elle soit musulmane, hindoue ou chrétienne, prie quotidiennement… Ces croyants offrent à Dieu toute leur misère, leurs luttes, leurs joies. En cela, j’aime dire que j’ai connu deux monastères dans ma vie : la Grande Chartreuse, où j’ai vécu durant cinq mois en 1945 pour discerner ma vocation et les slums, où les prières des pauvres s’élèvent, invisibles, vers le ciel.« A l’annonce de sa mort, les médias indiens et français ont rappelé à l’unisson que cette vie auprès des parias de Calcutta avait inspiré un best-seller mondial : La Cité de la Joie. Baptisé ainsi dans le récit de Dominique Lapierre, ce bidonville s’appelait en réalité Pilkhana. Bien connu des anciens lecteurs de La Vie, il suscita l’une des plus grandes initiatives solidaires de notre journal, mobilisant des milliers de donateurs durant vingt ans, par l’intermédiaire de l’association des Amis de Seva Sang Samiti.

A la suite des reportages de Jean-Philippe Caudron, parus lors des Noëls 1972, 1975 et 1980, nos lecteurs ont financé régulièrement des projets médicaux, éducatifs, d’assainissement… Avec l’ami Jacques Houzel, photographe (dont nous venons d’apprendre le décès, le 25 décembre également) et six ambassadeurs de ces milliers de donateurs, nous sommes retournés à Calcutta en décembre 1983, pour le numéro 2000 de La Vie. Ce formidable lien solidaire s’était  étendu au rural, permettant jusqu’à un demi million de paysans du Bengale de rester sur leur terre plutôt que de trainer leur misère dans la mégapole.

C’est en 1971 dans les camps de réfugiés du Bangladesh que Léo Jalais a rencontré François Laborde. « Alors que j’étais jeune volontaire de Frères des Hommes, il m’a invité à rejoindre la petite équipe de Sevah Sang Samiti dans le slum de Pilkhana. Inspirés par la vie de Charles de Foucauld, nous étions des pauvres au service des plus pauvres. » Ainsi, avec Gaston, un frère du Prado, Léo avec sa femme Françoise et leurs trois enfants ont partagé la vie de ces intouchables pendant plus de vingt ans. François Laborde, lui, a quitté Pilkhana au bout de neuf ans, pour ne pas faire d’ombre. Un détachement fécond qui l’a amené à fonder, au service de milliers d’enfants handicapés, une belle œuvre qui perdure.  » J’ai dû partir de Pilkhana car on ne parlait que de moi « , confiait-il à Laurent Bissara, prêtre des Missions étrangères de Paris, qui lui a succédé en 2018 à la tête de l’association Howra South Point. C’est cet esprit d’humilité, sa simplicité évangélique que retiennent de lui ses amis. Son humour aussi.

Namaskar, Père Laborde ! Salut indien réhabilité chez nous par temps de covid, dont nous avons découvert à Calcutta le sens profond : « Que mon cœur se joigne au tien comme les deux paumes de nos mains« .
Jean-Claude Escaffit

Droit de la presse :la carte se suffit à elle même.

La commission de la carte d’identité des journalistes professionnels, composée de journalistes et d’éditeurs de presse en activité dans tous les secteurs, tient à rappeler, dans le contexte actuel, une évidence. La carte de presse, délivrée sur des critères légaux, se suffit à elle-même pour démontrer sa qualité de journaliste professionnel sans autre formalité de quelque sorte, accréditation notamment (c’est vrai aussi en ces périodes de confinement). La CCIJP ajoute que si cette carte d’identité, document officiel, peut être montrée par exemple à tout membre des forces de l’ordre, elle ne doit en aucun cas être remise et laissée à des personnes étrangères à celle ou celui qui la détient. Attribut du statut de journaliste, elle démontre la qualité du journaliste professionnel ; outil de travail, elle facilite son activité sur le terrain et le protège ; elle est par ailleurs un outil social qui permet au journaliste de faire valoir ses droits (dans les entreprises de presse, au chômage, etc…) tout en respectant des devoirs (chartes de déontologie) ; elle est enfin un symbole de la démocratie. La commission de la carte d’identité des journalistes professionnels. Paris le 23 novembre 2020  

Défendre notre liberté d’expression menacée

27.09.2020.  » Des médias sont ouvertement désignés comme cibles par des organisations terroristes internationales. (…) Ces cinq dernières années, des femmes et des hommes de notre pays ont été assassinés par des fanatiques, en raison de leurs origines ou de leurs opinions. « 
Avant qu’un nouvel  attentat ait visé des gens de presse devant l’ancien siège de Charlie Hebdo, c’est un cri d’alarme que venait de pousser près de deux cents médias français. Journaux papier ou numériques  – dont La Provence – radios, télés et périodiques de toutes sensibilités ont signé ensemble une lettre ouverte. Cette initiative sans précédent voulait alerter sur l’une des valeurs des plus fondamentales de la démocratie : notre liberté d’expression. Elle est aujourd’hui menacée par le terrorisme et les réseaux sociaux. Dans un climat devenu  délétère, la violence des mots se mue en cortège de morts.
Liberté de blasphémer n’est pas éloge du blasphème.
On a pu lire dans certains tweets que les journalistes de Charlie l’ont bien cherché. Mort aux blasphémateurs ! Certains rêvent, au pays des droits de l’homme, de faire payer le prix infligé par les dictatures théocratiques à ceux qui critiquent leur religion. Certes, il arrive que nos convictions de croyants soient malmenées, voire blessées. Et même si  j’avoue ne pas apprécier le mauvais goût de certaines caricatures sur ma foi chrétienne, je n’ai pas hésité à proclamer “Je suis Charlie” et aller, avec tant d’autres, le manifester.
De même, en s’associant aujourd’hui à cette défense de la liberté d’expression, des journaux d’opinion comme La Croix, La Vie, Tribune juive…  défendent  aussi la liberté de blasphémer. Ce qui n’est nullement l’éloge du blasphème. Mais la défense d’une liberté indivisible, avec son corollaire de responsabilité. Car si chez nous le blasphème n’est pas puni par la loi, les mises en cause personnelles peuvent générer un droit de réponse ou conduire au tribunal.
En France, personne n’est obligé de lire ou d’écouter un média qui heurte ses convictions. Et la liberté de critiquer les religions va de pair avec celle des croyants d’affirmer leurs convictions. C’est la chance et l’honneur de nos démocraties que l’expression de ce pluralisme médiatique. La liberté de la presse est d’ailleurs le baromètre de l’état des libertés fondamentales dans le monde. Partout où les journalistes sont pourchassés, où la presse est aux ordres ou bâillonnée, les droits humains y sont menacés.