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France-Algérie : déminage ardu de la mission Stora

Ouest-France 07.12.20 : ma chronique avant la publication du rapport Stora, le 20 janvier 2021, sur un difficile apaisement mémoriel.
Sortir de la guerre des mémoires, en vue d’une énième tentative de « réconciliation entre les peuples français et algérien » ? C’est le sens de la mission confiée par le président Macron à Benjamin Stora, en lien avec ses collègues historiens algériens. Un rapport, assorti de préconisations précises, qui doit être rendu public prochainement. Déminage ardu, tant cette mémoire là est explosive et éclatée, de part et d’autre de la Méditerranée. En France, elle est communautarisée en fonction des parcours personnels et des appartenances idéologiques de chacun. En Algérie, la mémoire nationale est confisquée par un pouvoir qui cultive le mythe fondateur d’un peuple uni derrière le FLN.

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La mémoire est sélective, par nature. Comme notre rapport à l’Histoire. Et passionnelle, car nourrie des incessants soubresauts de l’actualité. En septembre dernier, ce fut, dans un magazine français, la révoltante représentation en esclave d’une députée noire de notre parlement. Au début de l’été, le mouvement américain Black lives matter contre les violences policières a ravivé en Europe cette guerre des mémoires. Des rues ont été débaptisées, des statues vandalisées. Celle de Colbert à Paris et les effigies des colonies françaises, dans plusieurs de nos cités… « Le passé ne meurt jamais », affirmait William Faulkner. Mais gardons nous de le regarder avec les critères moraux de notre temps.

Comment juger des faits historiques sereinement ? Se repentir d’avoir colonisé l’Algérie au 19e siècle ? Demander pardon pour l’esclavagisme des17e et 18e siècles ? Et jusqu’où mettre le curseur éthique dans l’exploration du passé ? Jusqu’au siècle de Louis XIV, aux conquêtes des deux Amériques, aux invasions arabes en Méditerranée… ? Jusqu’à convoquer au tribunal de l’Histoire toutes les barbaries dont les récits nationaux sont truffés. Et évoquer à tout bout de champ les crimes contre l’humanité, une notion juridique, aujourd’hui galvaudée ?

Les historiens nous invitent à regarder notre Histoire en face, dans sa complexité et ses divers côtés. Non pour renvoyer l’autre à ses errements, mais au nom de ce devoir de vérité qui apaiserait notre relation au passé. Pas plus que les excès d’une culture de repentance, les visions lénifiantes d’une histoire-otage des lobbys mémoriels n’y contribuent. Comme chercher à justifier la colonisation dans nos manuels scolaires. Mais aussi avec les incessantes incantations anticolonialistes du pouvoir algérien, dans le but de faire oublier les gabegies internes.

Plutôt que de repentance abstraite, la France devrait mettre en avant des faits précis, reconnaitre les discriminations et exactions dont ont été victimes les populations algériennes. Un peu à l’instar de Chirac à propos de la rafle du Vel d’hiv en 1942 à Paris, reconnaissant de facto la collaboration de l’Etat français avec l’occupant nazi. Ou comme en 2018, la démarche de Macron auprès de la veuve de Maurice Audin, pointant ainsi la responsabilité de l’armée française dans les tortures et disparitions à Alger. Encore faudrait-il aussi ne pas passer sous silence les exactions au sein du mouvement algérien de libération et dans la population. Délaissant les instrumentalisations de l’Histoire, ce travail de vérité est à réaliser ensemble des deux côtés. Condition nécessaire pour une réconciliation véritable.