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Vatican II, révélateur précoce d’une crise sociétale

Le soixantième anniversaire de l’ouverture de Vatican II, le 11 octobre 1962, a donné l’occasion de revenir sur le bilan d’un concile qui s’est achevé en 1965. Et certains ne manquent pas d’attribuer à son application – voire à son existence même – l’hémorragie qui secoue depuis l’Eglise catholique : crise des vocations, effondrement des sacrements. Et surtout décrochement d’une pratique dominicale passée de près de 30 % de la population française, dans les années 1950, à 2-3 % aujourd’hui.
Concordance troublante des calendriers : 1965 a été en fait l’année charnière de toutes les ruptures sociétales et institutionnelles ! Que ce soit avec la révolution contraceptive, le décollage de la courbe des divorces, l’allongement de la scolarité, l’avancée de l’exode rural en même temps que l’émergence de la société de consommation. Toutes les statistiques montrent que la « révolution de Mai 68 » n’a été que le révélateur et le catalyseur d’un mouvement d’émancipation commencé au milieu de la décennie 60 et amplifié par l’arrivée des baby-boomers sur la scène publique.
Cette vague de libéralisation des mœurs et de contestation des institutions n’a épargné ni l’université en voie de démocratisation, ni l’armée sortie de calamiteuses guerres coloniales, ni la famille en pleine reconversion, ni même les autres Eglises…
Pas plus que le mouvement de 68, résultat d’une révolution sociétale silencieuse, Vatican II n’a provoqué le séisme qui a déstabilisé l’Eglise catholique. Et l’historien Denis Pelletier a raison d’affirmer qu’ « Imputer la crise de l’Eglise à Vatican II, ce serait comme imputer la crise climatique au GIEC » (Le Monde 12.10.22).
Le Concile n’aurait il pas en fait révélé, un peu à son insu avant les autres institutions, la mutation profonde, voire une crise globale de la société ? Un peu comme Mai 68, à postériori. Si l’Eglise catholique n’a pas manqué de clairvoyance en 1962, dans sa volonté d’adaptation à un paysage en bouleversement, on peut en revanche lui reprocher d’avoir pêché par excès de confiance, en pensant prévenir, par son propre aggiornamento, une crise qui la dépasse.